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samedi 8 mai 2010

LA CONNAISSSANCE DE L’INCONNU: Pour une fraternité universelle

          Il ya une ambiguïté apparente dans cette expression. Mais elle est porteuse de sens. Dès qu’un inconnu est connu, il n’est plus normalement inconnu. Il devient un connu. Pourque l’inconnu connu ne demeure plus inconnu, il faut dire que l’inconnu est connu sans être jamais vu. Le fait d’être inconnu ne porte pas atteinte à son existence. Il existe même si personne ne l’a jamais vu.

         L’effort de clarification de cette ambiguïté nous permet de préciser le point sur lequel veut porter cette cogitation. En parlant de la connaissance de l’inconnu, nous voulons penser, à partir du trisyllabe connaître, « une fraternité universelle, base indispensable d’une justice authentique et condition d’une paix durable. » Cette fraternité universelle est aussi base de la réconciliation dans la vérité, c’est-à-dire une réconciliation qui n’est pas sporadique.

         Notre réflexion se veut tripartite. Dans la première partie, il sera question de découvrir un autre sens du trisyllabe ci-haut mentionné. Cela nous conduira à montrer dans la deuxième partie notre conception de la fraternité universelle. Interviendra la troisième partie où il sera question de l’imbrication de cette conception dans la culture de la justice, la paix et la réconciliation.

       LA DECOUVERTE DU SENS
      
       Plusieurs sens des choses et des mots restent cachés par manque de questionnement. Il ya des étonnements qui restent à leur premier degré au lieu d’être une genèse de sens. La question que l’on se pose est importante que la réponse qu’on peut trouver, car cette dernière doit être objet d’une autre question. Dans les rencontres interpersonnelles, il y a de quoi s’interroger.

       Ayant appris le savoir vivre en société, un monsieur a salué poliment un jeune garçon à notre présence. Sans hésiter, ce dernier lui répond par ces mots : « Tu me salues, est-ce que je te connais ? » Cette réponse nous donna à penser. Elle avait frappé notre sensibilité qu’elle suscitât les interrogations suivantes : que signifie connaître ? Ou encore quel est le sens de ‘je te connais’ ? Dans quelle condition peut-on dire ‘je ne te connais pas’ ? Qu’est-ce que l’on peut connaître ? Ces questions nous ont poussés à recourir à plusieurs dictionnaires. Mais toutes les explications données à ce trisyllabe n’ont pas répondu à notre inquiétude. Malgré cette insatisfaction, nous avons trouvé que ce trisyllabe peut avoir plusieurs objets si bien que quelqu’un peut dire : « je connais la science, je connais cette histoire, je connais cette chanson, je ne connais pas cette méthode, je connais sa malice, je connais cet homme. » Dans le dernier exemple, il s’agit de connaître une personne. C’est ce qui nous intéresse ici. Cette connaissance peut se comprendre dans un premier moment au niveau de l’identité. Alors, en disant connaître cet homme, l’on peut s’arrêter sur son nom, sa nationalité, sa tribut, ses frères et ses sœurs, son épouse, ses enfants, sa profession et les éléments de ce genre. C’est à ce niveau de connaissance qu’on s’arrête le plus souvent. Est-ce seulement ça connaître ? Il faut s’élever pour découvrir un autre sens de ce trisyllabe. En effet, en l’interrogeant, il nous fait comprendre ce qu’il signifie pour répondre à notre préoccupation. Voilà qu’il se laisse prendre à partir de ses composantes : "con-naître". Nous nous permettons de dire "cum-nascere", c’est-à-dire naître avec tout en sachant que connaître se traduit en latin par "cognoscere" et non par "conascere". C’est un balbutiement d’invention de sens. Alors nous comprenons maintenant, la profondeur cachée dans une phrase comme : « je te connais » En d’autres termes, cette phrase peut se comprendre de la manière suivante : « je nais( naître) avec te (toi) ».

         Donc en plus du contenu sémantique de ‘connaître’, que nous trouvons dans différents dictionnaires, il signifie aussi « naître avec ». Ce sens peut s’appliquer aux autres emplois de ce trisyllabe en faisant appel à un ‘comme si’. On dira alors que tel connait cette histoire comme s’il est né avec aux lèvres. Lorsque l’objet est un être humain, le sens se dégage avec beaucoup de « profondité ». C’est là qu’il faut penser la fraternité universelle.

        DE LA FRATERNITE UNIVERSELLE
       
        La découverte du sens étant déjà faite, il reste maintenant à montrer, notre conception de la fraternité universelle. Il nous faut préciser avant tout qu’il n’est pas question ici de la fraternité universelle au sens sectaire mais de la fraternité qui considère tout être humain comme mon frère. Comment cela est-ce possible ? En suivant la logique de notre réflexion, lorsque A dit : « je connais B », il affirme qu’il est né avec lui. Donc il est frère de B en tant qu’il est un être humain quelle que soit la situation de cette connaissance : heureuse ou malheureuse. Il peut être proche ou éloigné, du même village ou pas, tout cela est accessoire. Il y a des personnes que l’on n’a jamais rencontrées mais que l’on peut affirmer connaître. Cette rencontre peut être informelle, c’est-à-dire à travers les moyens de communication. Alors l’on peut dire connaître toutes les victimes du tremblement de terre à Haïti. Nous comprenons avec cet exemple et bien d’autres que notre trisyllabe traverse la distance, le temps, les rangs sociaux, les peuples, les races, les langues etc. Il est sans frontière d’autant plus que A peut connaître B sans partager les mêmes aires géographiques avec lui. Ce sont des inconnus connus. Tout le monde est mon frère en tant qu’il est un être humain. Cette fraternité va au delà de celle biologique. Elle s’inscrit au stade ontologique. Alors nous pouvons définir la fraternité universelle comme l’ensemble de tous ‘ les crées à l’image de Dieu ‘.

         SON IMBRICATION DANS LA CULTURE DE LA JUSTICE? LA PAIX ET LA  RECONCILIATION
        Il est ici question de montrer comment la fraternité universelle est une base importante à la culture de la justice, la paix et la réconciliation. Considérons et analysons pour cela les réponses suivantes à la question "connaissez-vous cet homme"? La première réponse est de celui qui affirme le connaître, car ils se sont rencontrés une fois pour partager une tasse de café et en plus ils sont d’un même village … Le deuxième répond qu’il le connaît, car il a entendu parler de lui. Le troisième quant à lui, élève la voix en disant qu’il le connaît, car c’est lui qui a tué ses parents et brûlé leur village après avoir pillé toutes les cases. Il va de soi de remarquer la fraternité en écoutant la première réponse. Cette fraternité est exprimée par la rencontre et le partage… Il faut s’inscrire à notre école pour fraterniser avec celui dont on a seulement entendu parler. Mais il ya du neuf dans la troisième réponse. En osant dire ‘connaître’, l’on affirme ‘naître avec’ ; donc une acceptation de l’autre comme frère. Ainsi, celui qui dit qu’il connaît cet homme, car c’est lui qui a tué ses parents, affirme en même temps qu’il est son frère. Quelle merveille ! L’acte de reconnaître l’autre comme un frère quels que soient sa situation, son lieu de provenance, son crime est une pierre sur laquelle la paix, la justice et la réconciliation peuvent être bâties. Il ne s’agit pas d’une justice qui a pour principe ce que nous pouvons appeler la « ndekoïté », c’est-à-dire considérer comme frère seulement ceux qui me sont proche par le sang ou par le lieu de provenance. Pour cela, sachant qu’il ya des frères dans le monde, il est impossible d’entretenir des conflits de guerre, car c’est nuire aux frères. A partir de tout ce qui précède, nous pouvons maintenant imaginer la lourdeur de la négation de connaître. Lorsque ‘A’ dit ne pas connaître ‘B’, il affirme que ‘B’ n’est pas son frère, car il n’est pas né avec lui. C’est en d’autres termes nier l’existence de ‘B’ ; et pourtant il existe ! On ne dirait tranquillement pas cette négation. Il lui faudrait des euphémismes pour adoucir la gravité de sa portée sémantique.

         CONCLUSION
        
           Nous concluons par cette série de questions pour nous rendre compte de la responsabilité que nous avons envers nous et envers le monde. Que répondrions-nous à celui qui nous demanderait : Connaissez-vous les enfants qui dorment dans la rue et qui se meurent de faim, derrière votre maison ? Connaissez-vous ces femmes victimes de la violence et de la méchanceté de l’homme ? Connaissez-vous ces prisonniers, victimes de l’injustice ? Connaissez-vous ces immigrants clandestins qui débarquent chez vous? Connaissez-vous ceux qui se disputent les frontières de votre pays ? Il ne s’agit pas d’un appel à la passivité. Mais l’effort à faire est d’avoir toujours présent à l’esprit ce nouveau sens. Alors notre justice, notre paix et notre réconciliation auront un fondement qui nous oblige même sans le vouloir, à chercher toujours le bien de celui que nous connaissons.
  Anatole Mughendi, MCCJ.

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